Allocution de l’Archevêque au 9ième
Souper-bénéfice
Ottawa Conference and Event Centre—le
20 octobre 2016
Excellences, Révérends
Pères, Chères Sœurs,
Chers membres
et amis de l’Archidiocèse d’Ottawa
et amis de ceux
et celles qui sont proches de la mort et qui doivent être protégés;
Vendredi saint
dernier, lorsque j’ai appris la nouvelle que mon ami John Corston était à
l’agonie, je me suis rendu au centre de soins palliatifs où il avait été admis —
en compagnie de mon vicaire épiscopal, l’abbé Kerslake — afin d’être avec lui,
sa famille et ses amis, en ces derniers moments. Nous étions une trentaine de
personnes autour de lui, à prier, à échanger, à nous rappeler de bons
souvenirs.
Nous avons
entonné quelques cantiques et récité quelques prières. Je lui ai donné l’indulgence
plénière. Malgré la peine du départ, nous avions un certain réconfort de
remettre notre ami et notre frère dans les mains du Seigneur Jésus, confiants
que celui-ci le conduirait à la maison du Père. John est décédé peu de temps
après notre départ. Il est décédé entouré des siens, de personnes de foi et
soutenu par les sacrements.
John Corston
était d’origine ojibway. Il a été le chef fondateur du Kateri Native Ministry d’Ottawa. Le 17 mars 1978, il vécut une
profonde conversion alors qu’il participait à un partage sur la parabole de
l’enfant prodigue dans une maison de retraite. Jésus lui permit de se libérer
de l’alcool sous l’emprise duquel il avait été prisonnier depuis plusieurs
années. John a toujours témoigné par après de cette libération et de la joie
qu’il vivait avec les membres des peuples autochtones, un peu partout au
Canada. Il a été un chrétien exemplaire et une personne remarquable. La bonne
mort qu’il lui a été donné de vivre reflétait bien cette réalité.
Si je vous
parle de cela, c’est que depuis le 17 juin de cette année, un autre genre de
mort a fait son apparition au Canada. Une prétendue « aide médicale à
mourir » — qui n’est en fait rien d’autre qu’une assistance au suicide ou
l’euthanasie — est devenue légale dans notre pays. Toutefois, une loi de l’État
nous permettant de nous enlever la vie ou d’aider une autre personne à le faire
ne peut d’aucune façon changer la loi de Dieu qui ne permet pas de telles
façons de faire.
L’euthanasie
est un acte qui consiste à provoquer délibérément la mort d’autrui, par action
ou par omission, sous prétexte de vouloir mettre un terme à sa souffrance. Par « action »,
on entend une injection létale ou tout autre moyen qui peut causer directement
la mort. Par « omission », on entend le refus d’accorder les soins médicaux
requis ou de nourrir le malade. Causer, ainsi, la mort, directement et
délibérément, est immoral et n’est jamais permis.
Mais comprenons
bien. Un patient peut refuser un traitement médical ou l’interrompre si les
souffrances qu’il occasionne surpassent les bénéfices qu’il pourrait apporter. Dans
un tel cas, le médecin peut respecter la volonté du malade. Une telle décision
est moralement acceptable. Le médecin peut, aussi, administrer des médicaments
pour soulager la douleur et les souffrances du malade, même si cela devait
réduire sa durée de vie. Lorsqu’un médicament est administré dans le but de
soulager la douleur, et non dans l’intention de mettre fin à la vie, il n’y a
pas de problème moral.
On parle de
suicide assisté lorsqu’une personne aide une autre personne à se donner
volontairement la mort en lui en fournissant les moyens ou en offrant
l’information sur la façon de procéder. Il s’agit d’une collaboration à
accomplir un acte qui est objectivement mal en soi, un acte qui est donc
immoral.
Certaines
personnes maintiennent que l’euthanasie et le suicide assisté sont des gestes
de « compassion » en réponse à la souffrance. Ne soyons pas dupes.
Ces pratiques entraînent délibérément la mort d'une personne. Ce sont, en
réalité, des meurtres.
La vraie
compassion nous appelle, au contraire, à entourer nos frères et nos sœurs qui
souffrent; à leur rappeler comment nous
les aimons; à leur rappeler combien ils demeurent précieux pour nous et qu’ils
ne sont aucunement un fardeau. Même dans ces moments difficiles, la vie demeure
un don et conserve tout son sens. Lorsque la mort naturelle approche, le
meilleur geste de compassion que nous pouvons poser, en réponse à la douleur et
aux souffrances du patient, c’est de lui permettre de recevoir de bons soins
palliatifs.
Les soins
palliatifs de qualité sont le meilleur moyen d’aider les personnes que nous
aimons à la fin de leur vie. Le Centre
Bruyère, un des bénéficiaires du souper de ce soir, offre ces soins de
manière exemplaire.
Les soins
palliatifs comprennent tout un ensemble de moyens – spirituels, médicaux,
psychologiques et sociaux – pour soulager les personnes en fin de vie et
assurer leur dignité. Ils cherchent à assurer la meilleure qualité de vie
possible jusqu’à la mort naturelle.
Pour un
chrétien, demander l’euthanasie ou le suicide assisté viendrait en
contradiction avec l’appel reçu au baptême. Jeune ou moins jeune, en pleine
force de vie ou à l’approche de sa mort, le baptisé peut toujours proclamer « Ce
n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi (Galates2, 20) ».
L’Église
catholique s’engage résolument à honorer et à protéger la vie humaine en tout
temps, de la conception à la mort naturelle. C’est pratiquement la devise du
groupe Action pour la vie, le
deuxième bénéficiaire du souper de ce soir. Dieu est l’auteur de la vie, nous
n’en sommes que les intendants. Depuis ses débuts, l’Église s’est opposée au
massacre des innocents. À la lecture des Saintes Écritures, saint Justin,
martyr, et d’autres comme lui, se sont opposés au suicide et au « meurtre
par compassion » d’enfants au début du deuxième siècle, à une époque où
cela était permis. Son geste, qui était tout à fait nouveau en son temps, a
mené l’État à accorder une protection légale à ces enfants à travers tout l’Empire
romain. Pour ce qui est de l’euthanasie et du suicide assisté, le Catéchisme de
l’Église catholique est assez clair : « Quels qu’en soient les motifs
et les moyens… elles sont moralement irrecevables » (CÉC 2277).
Pour les
chrétiens, la mort n’est pas la fin, mais plutôt le début d’une vie nouvelle avec
le Ressuscité, avec Dieu lui-même. Le Catéchisme nous enseigne que la destinée
qui nous est réservée après la mort de chacun est en fonction de ses œuvres et
de sa foi (CÉC 1021).
La sollicitude
de l’Église pour ses enfants ne prend pas fin avec la mort. Elle continue
d’intercéder pour les défunts et d’offrir son aide aux personnes qui restent.
Notre célébration des funérailles comprend ces deux aspects.
En la
Basilique-cathédrale St. Mary à Halifax, il y a un beau vitrail représentant la
mort de saint Joseph. Marie, son épouse, de même que Jésus, son fils adoptif,
sont à ses côtés. On y voit essentiellement une personne croyante qui est sur
son lit de mort et qui est entourée de personnes qui l’aiment.
Les aumôniers qui
exercent du ministère dans des centres de soins palliatifs parlent souvent de
la beauté et de la dignité d’une mort naturelle bien vécue. Des familles se
réconcilient, les personnes se rappellent leur amour les unes pour les autres,
et, oui, il y a des personnes qui se convertissent. Ces expériences sont bien
différentes de la détresse et de la culpabilité qui sont vécues lorsqu’il y a
euthanasie ou suicide assisté.
Je vous invite
à voir joindre à moi et à renouveler votre engagement à défendre la vie et la
dignité de tous et de toutes. Si nous accompagnons les personnes que nous
aimons dans leur vieillesse et dans leur fin de vie, les raisons pour
lesquelles des personnes demandent l’euthanasie ou le suicide assisté vont
disparaître. Donnez-leur la grâce de votre présence, de votre affection, de
votre prière, alors qu’elles s’apprêtent à se rendre auprès de notre Créateur
et Sauveur.
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